...que le film "Je l'aimais" est un must

Peut-on faire un film d'amour qui fait l'éloge de la séparation ? Si l'amour veut dire la longévité du couple, évidemment pas. Mais si l'amour veut dire le sentiment amoureux, sous toutes les formes qu'il peut revêtir, alors bien sûr. C'est exactement ce que la réalisatrice de grand talent, Zabou Breitman, nous livre avec le film "Je l'aimais", mettant en vedette Marie-Josée Croze, splendide et à point, et Daniel Auteuil, un peu moins.

Pierre, patron d'entreprise, avoue à son (ex) belle-fille (qui vient juste de se faire larguer par son fils) qu'il a aimé une femme toute sa vie et que ce n'est pas SA femme. "A-t-on le droit de se tromper ?". Voilà la question que pose Pierre au début de son récit à une Chloé démolie.

Le film rajoute une couche à cette tendance plutôt récente de rendre hommage à la séparation des couples moribonds. « Bridges of Madison County », petit bijou d'intensité et de simplicité de Clint Eastwood, « American Beauty », plus acide, « Revolutionary Road » et maintenant, «Je l'aimais ». Tous des films qui mettent un solide coup de poing à la notion de couple à tout prix.

Le film est excellent. Un film de fille, un propos unisexe, une intensité masculine. Tout est en adéquation dans cette production. Breitman est de toute évidence une grande réalisatrice qui sait exactement où elle s'en va. Je viens de découvrir une femme qui sait quoi faire avec un scénario, une caméra et un acteur. Franchement, je suis emballé.

Les dialogues sont truffés de pensées percutantes. Pierre qui ose dire que le départ de son fils est une bénédiction pour Chloé, qu'il est mort le jour où il a renoncé à partir avec Mathilde (Croze) pour "garder ses amis, ses relations, son chalet et son boucher" et que sa femme est morte du même coup, pour les mêmes raisons.

Il faut voir la femme de Pierre, Suzanne, lui dire qu'elle est au courant de tout, qu'elle demande le divorce, et Pierre de sortir son chéquier pour en finir sur-le-champ. Soudainement, la Suzanne qui n'en peut plus, change son chapeau de bord et lui avoue qu'elle est incapable de le laisser, qu'elle veut garder sa vie et porter le nom de son mari encore. Ni plus ni moins que le même comportement lamentable qu'on reproche aux personnages des Invincibles, mais version féminine.

Les médias commencent à permettre un nouveau discours au niveau des relations hommes-femmes. Le féminisme aura sa vraie victoire le jour où les filles vont en effet affirmer la liberté qu'elles ont acquise, mais qui ne paraît toujours pas quand vient le temps de remettre en question une relation morte, "pour ne pas perdre mon boucher". Dure, dure la liberté. Semble-t-il qu'elle a un prix que pas tout le monde est prêt à payer.